La Malvande à Chambésy : autopsie d’un flop
Le refus par le Conseil municipal de Pregny-Chambésy d’un projet de plan d’affectation qui aurait soit-disant permis d’accueillir « un fleuron de l’économie genevoise » (votre édition du 28.02.2017) n’a pas de quoi surprendre. Quelques intérêts privés ont pu prévaloir, mais ce projet était mal préparé et mal expliqué, malgré le temps écoulé depuis ses prémisses.
En 2010 déjà, suite à l’achat du domaine par un grand promoteur de la place et à plusieurs projets de mise en valeur, le Conseil municipal avait déjà préavisé négativement le déclassement du site, actuellement partagé entre zone de villas et périmètre de protection des rives du lac. La reprise du dossier avait été conditionnée par l’établissement d’un plan de site visant à circonscrire les possibilités de bâtir tout en protégeant l’essentiel de ce magnifique domaine : une demeure patricienne du XVIIIe siècle accompagnée d’imposants communs et de très beaux arbres, le tout ouvrant une splendide vue sur le lac et le Mont-Blanc. Emballant un nouveau projet de constructions assez peu convaincant, ce plan de site a été mis à l’enquête publique pendant les fêtes de fin d’année. Le projet prévoyait 25'900 m2 de surfaces nouvelles, permettant d’accueillir quelque 600 habitants ou emplois. C’est ce plan que le Conseil municipal a préavisé négativement le 21 février dernier. Le débat a été fortement influencé par l’annonce inopinée d’un repreneur prétendument prêt à implanter sur le site une entreprise de 1'500 à 2'000 emplois, ce que le plan ne permettrait en aucun cas d’accueillir. Cette péripétie a contribué sans doute à effaroucher définitivement les élus.
Comment peut-on arriver à un tel cafouillage ?
Il suffit d’un mauvais projet, d’une mauvaise communication et d’une grande maladresse. Pourtant, l’intégration de nouvelles constructions sur ce site, tout proche d’une gare du futur réseau régional, ne devrait pas être mise en cause, pas plus que la modification du périmètre de protection des rives du lac. La valorisation de ce domaine d’exception est en effet le seul moyen de sauvegarder et de restaurer ses composantes historiques, tâche d’une certaine urgence vu la dégradation des bâtiments. C’est le véritable enjeu de ce projet. Les possibilités de bâtir devraient dès lors être concentrées sur la seule partie non protégée, au nord du site, avec un unique accès routier – inévitablement coûteux – en contrebas de la parcelle. Sur ces données simples, garantissant l’économie du projet et des impacts minimum pour le voisinage, un bon projet ne pourra être développé qu’avec un destinataire sérieux et, pourquoi pas, moyennant le lancement d’un concours. Le plan de site lui-même devrait être adapté, à la fois avec plus de rigueur et une plus grande souplesse quant à la forme des nouvelles constructions. Les autorités municipales devraient être associées aux étapes de ce processus, sous la condition d’une très bonne conduite technique et d’un effort soutenu d’information. Vu le temps perdu et les coûts d’études engagés en pure perte, le propriétaire actuel du domaine devra aussi admettre la perte d’une partie du coût d’acquisition initial, particulièrement élevé, du domaine.
Gilles Gardet
Ancien urbaniste cantonal